Des centaines de lycéens enlevés dans le nord-ouest du Nigeria: ce que l'on sait

Publié le 14 déc. 2020 à 19:23 Modifié le 30 sept. 2022 à 01:48

  • Des centaines de lycéens enlevés dans le nord-ouest du Nigeria: ce que l'on sait

L'effroi gagne le Nigeria après l'enlèvement vendredi de centaines de lycéens par des hommes armés non identifiés dans le nord du pays, et toujours recherchés par les forces gouvernementales.

L'effroi gagne le Nigeria après l'enlèvement vendredi de centaines de lycéens par des hommes armés non identifiés dans le nord du pays, et toujours recherchés par les forces gouvernementales. 


Voici ce que l'on sait. Au moins 333 adolescents sont toujours portés disparus après l'attaque qui a visé le lycée d'Etat pour garçons de Katsina, selon les autorités.

Lundi, le hashtag BringBackOurboys ("ramenez nos garçons") était l'un des plus partagé sur les réseaux sociaux nigérians, rappelant celui utilisé en 2014, lorsque 276 adolescentes de Chibok avaient été kidnappées dans le Nord-Est, par le groupe jihadiste Boko Haram. 


- Que s'est-il passé ? - 

Plus d'une centaine d'hommes armés à moto ont attaqué dans la nuit de vendredi à samedi cette école rurale située dans la ville de Kankara. Des centaines d'adolescents ont fui dans la brousse pour s'y cacher. Certains ont réussi à s'échapper, mais d'autres ont été rattrapés, séparés en plusieurs groupes et emmenés par les assaillants, selon des habitants. "Il y avait 839 étudiants, il en manque 333", a déclaré dimanche le gouverneur de l'Etat de Katsina, Aminu Bello Masari.


- Qui a perpétré cette attaque ? -

Des bandes armées sèment la terreur depuis plusieurs années dans les zones rurales du centre et du Nord-Ouest du Nigeria, pratiquant à grande échelle le vol de bétail et les enlèvements contre rançon. 

Ces violences ont fait plus de 8.000 morts depuis 2011, et forcé plus de 200.000 personnes à fuir leur domicile, selon un rapport du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) publié en mai.

Les membres de ces groupes, aux effectifs flous, mais dont les attaques sont souvent menées par des centaines d'hommes lourdement armés, sont appelés "bandits" par les autorités et les habitants.


Les responsables de l'attaque vendredi sont probablement issus d'un de ces groupes criminels, plutôt que d'un des groupes jihadistes présents au Nigeria, actifs surtout dans le Nord-Est, comme Boko Haram, affirment les analystes interrogés par l'AFP.  Le modus operandi de vendredi ressemble "davantage à celui d'un groupe criminel", affirme à l'AFP Nnamdi Obasi, chercheur pour l'ICG.


Ces groupes agissent a priori sans motivation idéologique, mais de nombreux experts ont mis en garde contre leur rapprochement avec des groupes jihadistes, d'autant plus que certains ont prêté allégeance cette anné au chef de Boko Haram, Abubakar Shekau. Un groupe jihadiste lié à Al-Qaïda, nommé Ansaru, est aussi présent dans cette région.


- Quelles motivations ? -

Il est fort probable que le mobile soit d'obtenir une rançon, selon les analystes, soulignant que les enlèvements sont fréquents dans cette région, où sévit une extrême pauvreté et où l'Etat n'a que peu de contrôle. En outre, "la plupart des habitants sont des agriculteurs ou des éleveurs confrontés au changement climatique et en concurrence toujours plus forte pour les ressources", insiste Idayat Hassan, directrice du groupe de réflexion CDD West Africa. Mais il pourrait y avoir d'autres explications.  Les assaillants "pourraient agir pour obtenir des concessions du gouvernement", ajoute M. Obasi. Les lycéens enlevés pourraient servir de monnaie d'échange pour cesser des opérations militaires les visant, ou encore, contre la libération de prisonniers.


- Quelle réponse du gouvernement ? -

Le président Muhammadu Buhari a condamné l'attaque et ordonné le renforcement de la sécurité dans toutes les écoles. Dans l'Etat de Katsina, les établissements scolaires ont fermé. 

L'armée a affirmé avoir localisé "le repaire des bandits", ajoutant qu'une opération militaire était en cours.

"Des recherches dans les forêts et les villages ont été lancées, et les parents sont contactés pour avoir plus d'informations sur les enfants" disparus, selon la présidence.

La population de la région vit dans la peur des attaques, et réclame davantage de sécurité. Mais l'armée est déjà engagée depuis plus de dix ans dans la lutte contre les groupes jihadistes dans le Nord-Est. 

Pour Idayat Hassan, le gouvernement devrait "voir plus loin que la seule option militaire" pour régler le problème, en "s'attaquant aux causes profondes que sont le chômage et l'injustice".