Kenya: la Cour suprême confirme l'élection de William Ruto à la présidence

Publié le 5 sept. 2022 à 14:15 Modifié le 29 sept. 2022 à 21:59

  • Kenya: la Cour suprême confirme l'élection de William Ruto à la présidence

La Cour suprême du Kenya a confirmé lundi l'élection de William Ruto à la présidence, rejetant les recours déposés par Raila Odinga, figure historique de la politique kényane qui avait dénoncé des fraudes.

Après des semaines de controverses et d'accusations, le président élu a appelé à l'unité, disant tendre "une main fraternelle" à ses adversaires. "Nous ne sommes pas des ennemis, nous sommes des Kényans", a-t-il lancé dans son premier discours.

A l'unanimité, la Cour suprême a confirmé les résultats annoncés le 15 août par la commission électorale indépendante (IEBC), donnant le vice-président sortant Ruto vainqueur d'un des scrutins les plus serrés de l'histoire du Kenya, avec environ 233.000 voix d'avance (50,49% contre 48,85%) sur Raila Odinga. 

M. Odinga, qui avait reçu le soutien du président sortant Uhuru Kenyatta et de son puissant parti Jubilee, avait dénoncé des fraudes et saisi la Cour suprême, faisant de cette bataille judiciaire "un combat pour la démocratie et la bonne gouvernance" face aux "cartels de la corruption".

Mais ce vétéran de la politique (77 ans), qui a contesté les résultats des trois dernières présidentielles, n'a pas obtenu l'annulation du scrutin, comme cela avait été le cas en 2017 après une décision - inédite en Afrique - de la Cour suprême.

Il a annoncé "respecter" le verdict, même s'il le "désapprouve avec véhémence". 

Les sept juges suprême ont estimé que "les irrégularités signalées n'étaient pas d'une ampleur suffisante pour affecter les résultats définitifs de l'élection présidentielle", a déclaré la présidente de la Cour, Martha Koome.

Le camp Odinga affirmait notamment que les serveurs de l'IEBC avaient été piratés pour y introduire des formulaires de résultats falsifiés.

"Aucune preuve crédible n'a été présentée pour prouver que quiconque a accédé" au portail de l'IEBC "pour intercepter, retenir ou stocker temporairement des formulaires" de résultats, a affirmé Martha Koome.

- Ferveur et résignation -

L'annonce a déclenché la ferveur chez les partisans de M. Ruto, dansant, chantant leur joie et battant le rythme sur des bidons de plastique.

A Kisumu, bastion de M. Odinga dans l'ouest du pays, où l'annonce des résultats le 15 août avait déclenché quelques échauffourées, les partisans de "Baba" faisaient grise mine lundi mais aucun incident n'était à déplorer.

"On ne veut pas de troubles parce qu'on réalise que c'est nous qui souffrons", explique Nelima Atieno, vendeuse de vêtements d'occasion.

Kevin Omolo, conducteur d'un "matatu" (minibus de transport urbain), est résigné. "On a convenu de continuer notre activité, on ne veut pas manifestations. Nous sommes d'accord avec le tribunal parce qu'on ne peut pas changer le verdict, même s'il est douloureux", estime-t-il.

Pour Raila Odinga, ce jugement entérine sa cinquième défaite en autant de candidatures à la présidence. 

A 55 ans, William Ruto devient, lui, le cinquième président depuis l'indépendance du pays en 1963. En vertu de la constitution, il devrait prêter serment le 13 septembre.

- Maturité démocratique -

L'élection du 9 août et la décision de lundi étaient scrutées de près, considérées comme un test de maturité démocratique pour le pays.

Pays de 50 millions d'habitants, le Kenya est une locomotive économique de l'Afrique de l'Est et un pilier de stabilité dans une région tourmentée, mais les périodes électorales ont régulièrement été sources de troubles, parfois sanglants. 

Les pires violence post-électorales ont eu lieu dans les mois qui ont suivi la présidentielle de 2007, faisant plus de 1.100 morts dans des affrontements politico-ethniques.

Le nouveau président hérite d'un pays en proie à une inflation continue, notamment sur les produits de première nécessité et le carburant, et une sécheresse qui a plongé dans la faim des millions de personnes dans le Nord et l'Est.

M. Ruto s'est fait le héraut des "débrouillards" du petit peuple, s'opposant aux dynasties politiques incarnées par MM. Kenyatta et Odinga et défendant une "économie du bas vers le haut".

Le nouveau président et son vice-président Rigathi Gachagua, tous deux dotés d'une réputation sulfureuse qui mêle accusations de violences, de corruption, d'appropriation de terres et de détournement de fonds, devront également faire face à l'envolée de la dette et à la corruption endémique.