En RDC, recul de la démocratie et des libertés avant les élections

Publié le 16 déc. 2023 à 06:51

  • En RDC, recul de la démocratie et des libertés avant les élections

Crédit Photo : Autre presse

A l'approche des élections, les militants des droits de l'Homme déplorent un recul de la démocratie en République démocratique du Congo, où des journalistes croupissent en prison pendant que le meurtre d'un opposant demeure irrésolu.

Un ancien ministre a été assassiné en juillet à Kinshasa. Deux mois plus tard, un journaliste renommé, accusé d'avoir diffusé de fausses informations sur ce meurtre, a été arrêté.

"Ce sont des signes d'un rétrécissement de l'espace démocratique", estime sous couvert d'anonymat un des militants interrogés par l'AFP.

Félix Tshisekedi a beaucoup critiqué le bilan de son prédécesseur Joseph Kabila, entre autres en matière de droits humains, et libéré des centaines de prisonniers politiques après son accession à la présidence en janvier 2019.

La première année de son mandat "a marqué une sorte d'opportunité", note le militant. Mais, selon lui, les intimidations des voix critiques ont recommencé en 2020, et culminé cette année avec "une répression contre des membres de l'opposition".

Félix Tshisekedi est candidat à un second mandat aux élections du 20 décembre.

La RDC compte parmi les pays les plus pauvres du monde, malgré ses immenses richesses minières. Elle a aussi une longue histoire de régimes autocratiques.

Floribert Anzuluni, candidat à la présidentielle et ancien militant des droits de l'Homme, remarque que les périodes électorales sont souvent annonciatrices de répression de la dissidence. "C'est le cas aujourd'hui" encore, dit-il.

Fin mai, les renseignements militaires ont arrêté à Kinshasa Salomon Idi Kalonda, proche conseiller de l'opposant et candidat à la présidentielle Moïse Katumbi. Détenu depuis, il est accusé de collusion avec les rebelles du M23, actifs dans l'est du pays, et avec leur parrain présumé, le Rwanda.

Mi-juillet, le cadavre de Chérubin Okende, ancien ministre des Transports et allié de Moïse Katumbi, a été retrouvé criblé de balles dans sa voiture.

- Impunité -

Le gouvernement a condamné ce meurtre et une enquête a été ouverte, mais sans résultat connu à ce stade. "La justice ne semble pas faire son travail", déplore M. Anzuluni.

Le 8 septembre, Stanis Bujakera, journaliste congolais réputé, correspondant de l'agence Reuters et du magazine Jeune Afrique, était arrêté, accusé d'avoir diffusé de fausses informations sur l'affaire Okende.

Il a été interpellé après la publication d'un article de Jeune Afrique, non signé de son nom, suggérant que les renseignements militaires avaient assassiné l'opposant. L'article était basé sur une note confidentielle qui, selon les autorités, était un faux.

Cette arrestation a suscité une vague de protestations internationales, mais Stanis Bujakera est toujours en prison et son procès est en cours.

Eric Nsenga, qui travaille sur les droits de l'Homme et les élections pour l'Eglise du Christ au Congo (ECC), fédération d'églises protestantes, estime que les critiques peuvent s'exprimer sous le régime Tshisekedi. Mais l'arrestation de Stanis Bujakera "renvoie une image d'intimidation", dit-il.

D'autres arrestations, visant des personnes moins connues, sont passées inaperçues, ajoutent les défenseurs des droits.

Ce mois-ci, par exemple, l'opposant Lens Omelonga a été libéré après sept mois de prison. Il avait été arrêté après avoir critiqué sur les réseaux sociaux la fondation de l'épouse de Félix Tshisekedi.

Selon Fred Bauma, directeur du groupe de réflexion Ebuteli, la répression est passée inaperçue depuis longtemps en particulier dans l'est du pays, où des manifestants ont été victimes d'arrestations arbitraires.

En 2021, Félix Tshisekedi a placé deux provinces de l'est sous "état de siège", une mesure destinée à lutter contre les groupes armés. Mais elle a largement échoué, tout en facilitant la répression de la dissidence.

Le président a annoncé un allègement de cette mesure, après qu'une unité d'élite de l'armée a massacré fin août plus de 50 membres d'une secte religieuse qui préparaient une manifestation à Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu.

Le gouvernement a déploré ce massacre et plusieurs militaires ont été condamnés. Mais les défenseurs des droits humains font part de leur frustration face à l'accumulation de cas et l'apparente impunité des hauts responsables.

"Ils ont réussi à tromper une grande partie de la communauté internationale", déclare l'un d'eux. Selon lui, le gouvernement continue de vouloir donner une bonne image, mais la réalité ne suit pas.

Sollicité, un porte-parole du gouvernement n'était pas disponible pour un commentaire.