Après l'annonce de Macky Sall, la diaspora sénégalaise en France à la fois "rassurée" et "prudente"

Publié le 5 juil. 2023 à 08:05

  • Après l'annonce de Macky Sall, la diaspora sénégalaise en France à la fois "rassurée" et "prudente"

"Il a désamorcé la colère" : l'importante diaspora sénégalaise en France partage le soulagement général après l'annonce du président Macky Sall de renoncer à un troisième mandat, mais reste "prudente" et divisée sur le climat politique à l'approche de la présidentielle.

Comme nombre de membres de la diaspora, Demba Ndiaye Ndillaan, 53 ans, a "suivi en direct" à la télévision l'adresse du président Sall.

Ce musicien sénégalo-mauritanien, installé depuis 20 ans à Mantes-la-Jolie (région parisienne) et qui se présente comme un "fervent sympathisant" de Macky Sall, est partagé. Il ressent de la "déception" car pour lui, "il n'y a que Macky Sall qui a l'expérience pour (...) garantir la sécurité" au vu des tensions régnant dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Mais il salue en même temps la posture du président, "un homme de principe", selon lui.

D'autres Sénégalais et Franco-sénégalais interrogés par l'AFP en France sont plus circonspects.

Elu en 2012, réélu en 2019, Macky Sall avait fait réviser la Constitution en 2016. Elle dispose que "nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs", mais il avait expliqué que cela ne le concernait pas puisqu'il avait exercé son premier mandat avant la réforme.

M. Sall entretenait le flou sur sa candidature pour février 2024. Et la condamnation à deux ans de prison de l'un de ses principaux opposants, Ousmane Sonko, avaient contribué à déclencher, début juin, les troubles les plus meurtriers depuis des années, faisant au moins 16 morts selon les autorités, 24 selon Amnesty international et une trentaine selon l'opposition. 

Dans son adresse à la nation lundi soir, M. Sall a affirmé avoir "une claire conscience et mémoire de ce que j'ai dit, écrit et répété, ici et ailleurs, c'est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat". 

Amadou Diallo, consul général du Sénégal en France nommé par Macky Sall en 2012, est "très fier de la décision" de M. Sall, "car c'est salutaire pour le Sénégal". La diaspora, qui s'est divisée sur la question de ce troisième mandat, pourra revenir "au débat politique, estime-t-il.

Cette diaspora sénégalaise est l'une des plus importantes en France avec celle du Mali. Les liens, forts, entre la France et le Sénégal, sont historiques, depuis la période de la colonisation, mais aussi familiaux, économiques, culturels, universitaires, etc... 

Selon les chiffres officiels communiqués par le consul, le nombre de Sénégalais avec un titre de séjour installés en France est d'environ 200.000 personnes. Mais ce chiffre atteint 800.000 à un million de personnes (sans compter les clandestins) si l'on inclut les binationaux, selon le consul. 

- "Vigilant" -

L'artiste franco-sénégalais Neega Mass, 43 ans, sympathisant du Pastef - parti d'Ousmane Sonko - se dit aussi "un peu plus rassuré que Macky Sall ait eu le courage d'affronter la pression qu'il a eu au sein de son parti" pour qu'il se représente. Il "a désamorcé la colère générale", commente l'artiste. 

Alioune Sall, député des Sénégalais de l'étranger pour l'Europe de l'ouest, du nord et centrale et coordinateur du Pastef en France, réagit avec un soulagement en demi-teinte.  

"C'est une décision sage qui permet de faire baisser cette tension", reconnaît-il. "Mais Macky Sall ne mérite aucun éloge... car cette décision est d'abord une exigence constitutionnelle, éthique et morale à laquelle il n'aurait pas pu se soustraire au risque de faire sombrer le pays dans le chaos", lance le député.

Neega Mass confie n'être "pas encore sorti de (son) inquiétude" et reste "très vigilant" et "prudent" quant à l'avenir du pays, faisant écho à l'anxiété d'une partie de la diaspora à propos de la situation d'Ousmane Sonko.   

La condamnation de cet opposant dans une affaire de mœurs le rend en l'état actuel inéligible. Pour M. Sonko, l'objectif principal de Macky Sall est de l'écarter de la course à la présidence.  

Dans le quartier Château Rouge à Paris, où vit une importante communauté d'origine africaine, Amy Konaté, commerçante, lance : "Moi, je ne suis ni (pour) Macky, ni de l'autre (Ousmane Sonko). Mais là, vraiment, on est tranquille. J’ai même pas les mots qu'il faut dire tellement on s'y attendait pas. On a besoin de cette tranquillité !". 

Un peu plus loin, N'Deye Tounkara, gérante d'une mercerie, ne croit-elle pas encore à un véritable apaisement. "J'y croirais le jour où il (Macky Sall) libèrera complètement Sonko et qu'il laissera sa place à d'autres personnes", lance-t-elle.