DISPARITION DE HKB, L’Émoi d’une Nation

Publié le 3 août 2023 à 22:21

  • DISPARITION DE HKB, L’Émoi d’une Nation

La Côte d’Ivoire est en deuil, Le Président Henri Konan Bédié, ancien Président de la République et leader du PDCI-RDA s’en est allé. Sa disparition a été ressentie comme une onde de choc dans sa formation politique, mais a frappé d’émoi une grande partie de la population ivoirienne en raison de son caractère brusque et de la place prégnante qu’il a occupée dans l’histoire de notre pays.

Il viendra le temps de faire l’exégèse de son action politique, mais alors que la douleur qui étreint ses partisans est encore vivace, il nous semble fort à propos de donner aux nouvelles générations la grille de décryptage de l’émoi collectif que suscite son départ chez une grande partie des Ivoiriens.

Sur les chemins de sa vie et aux confins de son engagement militant au PDCI RDA, Henri Konan Bédié a également exercé les rôles de travailleur acharné, de leader communautaire, d’homme d’État, de DRH de la nation, d’homme d’ouverture, de fils, de père, d’époux, de bâtisseur, et d’humain avec toutes les fragilités inhérentes à cette dernière fonction.

De l’avis de Feu l’éminent Professeur Zadi Zaourou, Le Président Bédié a été durant sa prime jeunesse un FORT EN THÈME, Major de l’école normale de Dabou, Docteur de l’Université de Poitiers, titulaire du Certificat d’Aptitude à la Profession d’avocat, il a gardé de sa période scolaire, des références solides, une culture de l’excellence (matérialisée par le prix éponyme qu’il créa), et une passion pour les mots qu’il faisait valser avec dextérité pour le plaisir de son auditoire.

LEADER COMMUNAUTAIRE, il fut membre fondateur de l’UGEECI, premier syndicat estudiantin de gauche (oui oui…) en 1956 et il milita activement à la FEANF (Fédération des Étudiants d’Afrique noire francophone ), organe de lutte des jeunes étudiants africains en occident pour l’accélération de la décolonisation.

Son parcours d’HOMME d’ÉTAT est un template pour tous les aspirants politiciens, car il a exercé chacune des responsabilités pavant le chemin vers le Saint Graal : Maire, Député, Ministre, Ambassadeur, Président de l’Assemblée nationale et enfin Président. Ministre des Finances pendant le "miracle ivoirien", il était à la manœuvre sous l’inspiration du Président FHB pour créer tous les acquis qui font aujourd’hui de la Côte d’Ivoire un pays avec des fondamentaux solides : Les Sociétés d’État pour renforcer la souveraineté économique de la Côte d’Ivoire, la reprise en main de la distribution alimentaire avec les Chaînes PAC/Agripac soutenues notamment par des emprunts des commerçants au Crédit Côte d’Ivoire.

Si notre pays a pu se relever rapidement de la crise de 2010, elle le doit aux fondamentaux inaliénables mis en place par des centaines de cadres de l’époque, dont le Président Bédié.

Devenu Président de la République, il géra avec brio la dévaluation du Franc CFA dans un contexte délétère. Mais delà des réalisations de son équipe, il s’est révélé être un DRH d’EXCEPTION pour la Nation Ivoirienne. Ses 3 gouvernements (dont le premier 1 an après 1992) semblaient être constitués avec l’impératif de l’élitisme façon "Dream team", et de l’excellence dans le choix des hommes.

Cette constellation comportait notamment le Docteur du MIT Yed Esaie Angora, le pédagogue Pierre Kipré, le diplomate chevronné Essy Amara, l’Amiral vedette de la Marine Lamine Fadika, la bibliothèque mondiale du Cacao Guy-Alain Emmanuel Gauze, le titulaire de la Médaille Fields de notre cœur le Pr Saliou Touré, et plus tard l’excellent Tidjane Thiam, le serial entrepreneur Koné Dossongui, La brillantissime Safiatou Ba Ndaw pour n’en citer que quelques-uns.

Homme d’ouverture, il est notoirement connu pour être un fanatique du pardon. On ne peut pas exercer une telle longévité dans sa carrière politique sans se fâcher avec des compagnons de route ou des adversaires. Mais il a toujours su se réconcilier avec ses adversaires d’hier ; De Fologo à Ouattara, en passant par Laurent Gbagbo, il s’est efforcé de ne jamais avoir de différends irréconciliables.

On ne compte plus les fois où il a reçu avec affabilité des politiques de camps opposés qui le pourfendaient la veille sur des estrades surchauffées, et allaient à Canossa les semaines d’après le saluer dans leurs petits souliers.

HKB fut également un partisan de l’ouverture dans ses gouvernements, vers les partis d’opposition avec L’esthète du Didiga, le Professeur Bottey Zadi Zaourou ainsi que Le Droit Homme, Expert en Droit, Francis Vangah Wodié. Il suffit d’ailleurs de regarder la composition « géopolitique » de son Secrétariat Exécutif au PDCI pour voir son désir ardent de diversité et d’inclusion.

Bâtisseur infatigable à l’instar de son mentor, il est le père des 12 travaux de l’Éléphant d’Afrique, programme fondateur de la politique d’infrastructures de notre pays de l’après 90. La liste des infrastructures routières, sanitaires, énergétiques, culturelles et universitaires réalisées par les cadres ivoiriens sous sa gouvernance de six années est certes énorme, mais on sait que sa plus grande blessure est de ne pas avoir mis en œuvre la totalité de son programme emblématique.

Fils Spirituel du président Houphouët-Boigny, il n’a cessé d’œuvrer sans relâche à la paix dans son pays en faisant preuve de dépassement de soi et d’un entregent sans pareil pour (se) réconcilier ses deux jeunes frères du RHDP et du PPACI. Force d’équilibre politique, son PDCI-RDA demeure la voie médiane qui tend à ramener vers le centre les extrêmes à coups d’alliances inédites, et il faut bien le dire, parfois équivoques.

Avec sa disparition, les Ivoiriens de tous bords se demandent d’ailleurs qui sera celui qui embouchera à l’avenir la trompette de l’apaisement, et serinera le nécessaire message d’union et de paix quand le thermomètre politique se réchauffera.

Époux de Maman Henriette Bomo depuis 1958, il demeure pour les Ivoiriens de tous âges un modèle d’époux aimant, socle d’un couple résistant à l’usure du temps et héraut d’un renouvellement perpétuel de vœux à travers des déclarations enflammées à sa "biche royale". Ce témoignage d’amour éternel arrive à émouvoir même les générations Tik Tok et Snapchat, c’est dire !

Père de quatre enfants, et d’une multitude de fils et filles rencontrés dans sa carrière, HKB a su fédérer autour de lui dans l’exercice du pouvoir, une kyrielle de jeunes Ivoiriens de toutes les régions.

Ses compagnons de lutte se trouvent dans chaque région de la Côte d’Ivoire et plusieurs jeunes loups sortis du parti qu’il dirigea sont prêts à relever les défis de demain (De Thierry Tanoh, à Tidjane Thiam, en passant par Jean-Louis Billon, ou Yasmina Ouégnin).

On serait en football que son écurie serait qualifiée de "Masia" ou de "Cantera", tellement elle produit, comme le Barca et le Réal, des talents qui font son bonheur, mais vont également essaimer dans d’autres formations politiques friandes des technocrates issus du parti septuagénaire.

Humain il n’a pu traverser la longue histoire de notre pays sans commettre d’impairs. Beaucoup lui reprochent son indolence face aux revendications des zinzins et bahefoué, et estiment que plus de fermeté aurait évité à la Côte d'Ivoire la tache indélébile du coup d’État foireux qui a mis son développement entre parenthèse pendant une décennie.

L’ivoirité, l’antienne de ses détracteurs devenue une monnaie de réserve à la banque centrale de ses pourfendeurs, est la plaie d’Égypte que même une réconciliation avec son adversaire de l’époque n’a pas su totalement cautériser.

Le projet aventureux du CNT par les victimes civiles impactées est par ailleurs à mettre au passif de son bilan, même si au plus fort de la tension, il a accepté encore une fois le 20 novembre 2020 de rencontrer le président Ouattara pour apaiser les relations.

Ces scories dans son parcours, il les a acceptées et a vécu avec elles, car si vous n’êtes pas assez fort pour supporter les critiques, vous êtes trop petit pour mériter la considération.

Toutefois, en ce qui nous concerne, si nous considérons son passif en face de ses actifs, son bilan de clôture donnerait du fils à retordre aux experts-comptables de la politique, parce qu'il est supérieur du côté de son actif, et ne s’équilibre point en conséquence.

Après le récent départ du Professeur Francis Wodié, celui du Président Bédié emporte dans le sommeil de la nuit les deux protagonistes de l’Élection présidentielle de 1995.

C’est assurément une page de notre pays qui se referme, Une page animée par des personnalités profondément pénétrées de l’amour de leur pays, héritiers des pères fondateurs, et qui ont essayé de tracer les sillons du progrès pour tous et du bonheur pour chacun.

Il reviendra à leurs cadets qui nous dirigent de corriger leurs erreurs et de faire mieux pour la Côte d’Ivoire afin que nous à notre tour, nous transmettions à nos enfants une vision forte de la Côte d’Ivoire de demain.

La vision de l’action des hommes politiques est souvent obscurcie lorsqu’ils sont en activité en raison du caractère partisan, et donc forcément clivant de leurs prises de positions.

Une fois à la retraite ou partis sous d’autres cieux, un travail d’inventaire plus équilibré et plus impartial s’opère sur leur héritage.

En règle générale, leurs compatriotes, avec le recul de l’histoire, tendent à moins les vouer aux gémonies, et à mieux comprendre le sens de leurs actions. Gageons qu’à la fin de cet exercice, maintenant ou plus tard, CET HOMME D’ÉTAT saura trouver dans l’histoire, la place qui correspondra à l’émoi que son départ a suscité.

Adieu Président Henri Konan Bédié

Adieu Nanan Bédié

Priez là-bas avec Notre Père fondateur, pour TOUS les Ivoiriens ici.